Avril 2007: Raid à skis dans le massif de l’Ortles

Ortles 2007

Préambule: Je me dois,  sur mon blog, de faire figurer quelques balades de chacune de mes différentes passions. En ce qui concerne les raids à skis, cette passion remonte à mon service militaire effectué chez les chasseurs alpins du 6ième BCA de Grenoble en 1970 et depuis elle ne m’a plus quittée.

Actuellement, nous sommes une petite équipe de collègues, entre douze et quinze personnes en fonction des années, et en 2007 c’est le 18ièm raid  que nous faisons ensemble, l’assiduité de tous dans l’ensemble  est assez bonne.  Mon premier raid avec cette équipe date de 1990, c’était dans le massif de l’Otztal situé à l’ouest d’Insbruck en Autriche et depuis, je n’en ai loupé que deux, un pour raison professionnelle et l’autre à cause d’un passeport périmé. Petit aparté assez cocasse sur cette mésaventure: c’était en 1994, le raid était programmé au Maroc dans le massif du Toubkal, et oui, on peut faire des raids à skis au Maroc. Cette année là, suite aux attentats de Paris, la France avait fortement durci les formalités d’entrées des ressortissants des pays du Maghreb. En rétorsion, le Maroc exigait un passeport en règle et ne considérait pas un passeport périmé équivalent à une carte d’identité. Mon raid s’est donc terminé, avant d’avoir commencé, dans la salle d’embarquement de l’aéroport de Lyon. Mon matériel avait déjà été absorbé par le tapis roulant, les formalités de la police française exécutées (je dois dire que le policier français m’avait informé du risque, mais laissé passer), nous patientons dans la salle d’embarquement quand j’ai entendu un appel radio m’invitant à me présenter au chef d’escale Marocain. Celui-ci n’a pas voulu me laisser embarquer en m’informant qu’une fois à Marakech le risque de me faire refouler sur le premier vol à destination de la France était très important et que lui, risquait de se faire saquer pour négligence. J’ai pu après quelques palabres récupérer mon matériel déjà embarqué dans l’avion, j’ai vu décoller mes amis, j’ai repris la navette de Grenoble et fou de rage envers moi-même, je suis allé m’enfermer trois jours dans le refuge de l’Etendard. Voilà pour la petite histoire et la fin de mon préambule.

Je vais raconter le raid de 2007. Donc pour cette année, 18ièm de la série, nous programmons le massif de l’Ortles au nord de l’Italie pas très loin  des frontières Suisse et Autrichienne dans le sud Tyrol. Malheureusement l’assiduité de ce millésime n’était pas bon, Didier avait une épaule bandée (mauvaise chute à skis), Monique c’était le genoux, Dédé devait subir une intervention chirurgicale, Pierrette restait solidaire de son Dédé, Gérard et Jean n’était pas dispo. C’est donc à six que nous sommes partis: Véro et Domi, Jeff et Karen, Bernard et moi. Nous prendrons deux voitures, la mienne et celle de Domi.

Lundi 23 avril 2007: Grenoble – Forni – refugio Branca

Une grosse journée, 550 km à avaler plus la montée en refuge. Nous quittons Grenoble vers 5H30, nous passons par le tunnel du Fréjus, Turin, Milan, lac de Côme, picnic du coté de Sondrio, Bormio, Santa Caterina, Forni. Nous nous garons sur le grand parking sans neige, terminus de la route goudronnée à 2178m d’altitude.

Préparatifs et chargement des mules

Sur la photo de gauche, le refuge « Branca » est tout là bas, au bout de la moraine latérale. Il n’y a que 300m de dénivelé, mais le problème c’est que ça ne dénivelle pas beaucoup et il nous faudra une bonne heure pour l’atteindre en portant les skis sur le sac. Situé à 2500m d’altitude, il est très confortable, je crois qu’il fait 120 places et comme tous les refuges italiens, on y mange très bien. Sur la photo de droite, l’arrivée au refuge. Il est parfaitement placé, à l’entrée d’un grand cirque entouré de très beaux sommets, pic Tresero 3594m pic San Mateo 3678m, pic Cadini 3524m, mt Vioz 3645m.

Cet hiver a été très sec et le manque de neige nous inquiète un peu, heureusement que la région est assez glacière.

ForniBrancaTresero_En pointillés rouge la montée au refuge, en pointillés bleu la course du lendemain.

Mardi 24 avril: refuge Branca – pic Tresero – refguge Branca

Hier soir on hésitait entre le pic San Mateo et le pic Tresero et en discutant avec les randonneurs présents au refuge, on opte pour Tresero (pointillé bleu) 1100m de dénivellé qui de part son orientation nous offrira une meilleure neige,

Le départ n’est pas trop matinal. Depuis le refuge il faut d’abord descendre au fond du vallon, traverser un torrent, remonter un petit culot d’avalanche avant de pouvoir chausser.

?????????? Sur la photo, le sommet le plus haut à droite est le San Matteo, le notre n’est pas encore visible car encore beaucoup plus à droite. Le déficit de neige est flagrant et le glacier est bien décapé par endroit, mais l’itinéraire est évident sans aucune difficulté technique.

Petite pose avant le ressaut final et l’arrivée au col.

Après le col, l’arête conduisant au sommet est complètement déneigée, nous y laissons les skis et gagnons le sommet à pieds.

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Du sommet un beau panorama sur 360°. Vu vers le sud (manque de neige certain)

TRES030P1010367et vers le Nord (moi et Jeff le benjamin de la troupe)

La descente ne présentera pas de problème, vu la fréquentation, elle ressemble même à une piste à certains endroits.

 Fin de la balade devant une bonne bière, demain nous changeons de refuge et donc de vallée.

Mercredi 25 avril: Refuge Branca-refuge Pizzini-col Pale Rosse-refugePizzini

Journée assez pleine, d’abord changement de refuge, ce matin nous allons basculer sur la vallée de Cedec pour gagner le refuge Pizzini-Frattota 2706m. Là nous laisserons nos affaires pour être plus léger et nous monterons jusqu’au col Pale Rosse 3379m qui est en soit une jolie petite course et qui nous permettra de voir l’itinéraire du Grand Zebru le plus haut sommet du massif 3851m.

BrancaPizziniColPaleRosse_

En rouge sur la carte l’itinéraire entre les deux refuges et en bleu l’itinéraire entre le refuge Pizzini et le col Pale Rosse.

  ??????????Les trois quart de l’itinéraire pour rejoindre le refuge Pizzini sont déneigés, les skis sont sur le sac, le sentier est assez bon, par contre en croisant certains petits vallons encaissés des culots de neige très dure demandent quelque prudence et il a fallu pour au moins l’un d’entre eux mettre une petite corde pour ne pas avoir à chausser les crampons. La pente de neige étant raide par endroit, le risque de se retrouver au fond du torrent était non négligeable. Pas de risque inutile.

Arrivée au refuge, le gardien nous indique notre couchage, il parle un français impeccable et l’on peut facilement discuter des conditions des différentes courses du secteur. On souffle un petit moment, puis plus léger on peut repartir pour le col Pale Rosse au pied du Grand Zebru.

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Au dessus du refuge Pizzini en montant au col Pale Rosse, très beau panorama sur la course d’hier, c’est le sommet le plus à droite avec sa très belle pente sous le col et les petits séracs à l’aplomb du sommet. A gauche le San Matteo, puis le pic Cadini et le mt Vioz.

On poursuit notre course, la belle pyramide du Grand Zébru se rapproche, on passera au pied pour atteindre le col
??????????Véro arrive au col. Vu sur le beau plateau glacière qui monte au Cevedale. Le refuge Casati est sur la gauche du plateau. Jeff et Bernard fond la pause au col Pale.
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On a tout loisir pour voir l’itinéraire normal pour monter au sommet du Grand Zebru, d’abord un couloir assez étroit et raide, puis une très belle pente qui normalement est très skiable comme le couloir d’ailleurs. Mais voilà le manque de neige va contrarier nos projets. Nous l’avions programmé pour la journée de demain. Le gardien du refuge nous informe que par manque de neige, celle-ci est très dure et fortement gelée par endroit. Depuis quelques semaines très peu de randonneurs s’y risquent. D’un commun accord on décide de ne pas y aller et de monter demain directement en direction du refuge Casati sur le beau plateau glacière que l’on voit très bien sur une des photos ci-dessus.

PizziniColPaleRosse025DSCN3199

Retour au refuge, soirée instructive. En discutant avec le gardien, on se rend vite compte que deux cultures totalement différentes « s’ignorent » dans la région. Dans notre programme on doit monter au refuge Casati puis basculer dans la vallée suivante sur le refuge Martello situé dans une vallée où la langue maternelle et la culture sont autrichiennes. Le gardien n’avait aucun renseignement sur cette vallée et il nous expliquait avec une certaine réprobation et amertume que ces vallées « de l’autre coté » bénéficiaient de beaucoup d’autonomie et de faveur de la part de Rome afin d’avoir « la paix ». On découvrira les jours suivants quelques témoins des problèmes passés.

Jeudi 26 avril: refuge Pizzini – refuge Casati – Cima di Solda – refuge Martello

Le beau temps est toujours au rendez-vous, et ça dure depuis plusieurs semaines. On ne peut pas tout avoir, c’est donc l’enneigement qui trinque.
Aujourd’hui, monté au refuge Casati  3254m, poursuite jusqu’à la Cima di Solda 3376m et plongée sur le refuge Martello 2610m.

PizziniCasatiDiSoldaMartello_ En bleu l’itinéraire de montée à la Cima Di Solda, en rouge la descente sur le refuge Martello avec petite pose au refuge Casati.

 Départ du refuge Pizzini, malgré le peu de neige, on peut quand même  chausser devant le refuge. La montée sur le plateau glacière est d’abord sympa, puis le manque de neige dans cette exposition plein sud nous oblige à quitter les skis. Les derniers mètres pour prendre pieds sur le glacier sont même assez scabreux sur une pile d’assiettes instables. On passe devant le refuge Casati est l’on continu en direction de la Cima Di Solda 3376m.

 

DiSolda014DSCN3208Bernard, Karen, Henri, Jeff, Domi et Véro au sommet de la Cima Di Solda avec dans notre dos le Grand Zebru (face Est) et sa belle pente que l’on ne fera pas, on devine les grandes plaques de glace qui posent problème. Face à nous (photo ci-dessous),on distingue en contre bas le refuge Casati et le beau  plateau glacière qui monte au Cévédale (face Nord Ouest), à droite, le Mont Pasquale.

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Ce matin nous sommes arrivées par les pentes rocheuses et mal enneigées à droite du refuge Casati. De là, on distingue très bien la trace qui traverse en écharpe le plateau et qui va plonger dans la vallée pour rejoindre le refuge Martello, but ultime de notre journée.  Il existe sur ce plateau des carcasses rouillées de vieilles remontées mécaniques utilisées il y a quelques années par les équipes nationales italiennes de ski alpin.

DiSolda023DSCN3208 Par manque de socles rocheux les portiques étaient encrées dans la glace et n’ont pas tenu les mouvements du glacier, trop cher à entretenir elles ont été abandonnées en l’état, triste spectacle visuel avant que le glacier ne les dévore complètement.
En redescendant de la Cima Di Solda on va repasser devant le refuge Casati, traverser le plateau et plonger par les belles pentes neigeuses  du glacier Cevedale sur le refuge Martello.

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DiSolda034DSCN3208Refuge de culture autrichienne, l’ambiance est totalement différente, l’accent n’est plus chantant, on ne parle que l’autrichien, les échanges seront réduits au strict nécessaire et en anglais (aucun d’entre nous ne parle l’allemand). Nous sommes ici dans le sud Tyrol, le refuge s’appelle « Marteller Hûtte » et non pas « Rifugio Martello », on a même du mal à croire que nous sommes toujours en Italie. Ceci dit, le refuge est très confortable et bien que l’accueil soit un peu froid mais cordial, tout est parfait et la soirée agréable.

Vendredi 27 avril: Refuge Martello (Marteller Hûtte) 2610m – Cima Marmotta 3330m – refuge Casati 3254m

Au programme du jour la Cima Marmotta  et la remonté au refuge Casati.

MartelloMarmottaCasati

MarmottaCasati006P1010453Après avoir quitté le refuge Martello nous remontons le vallon orienté sud ouest qui conduit à la base du glacier du Cevedale. Au point 2750m nous allégeons nos sacs de nos affaires inutiles en les enfermant dans de grands sacs plastique et en les enfouissant dans la neige pour les soustraire aux choucas chapardeurs. Inutile de se charger pour rien, nous faisons le sommet en aller-retour depuis ce point.

Direction plein Est et par un grand S nous  prenons pied sur le glacier d’Alta pour le remonter jusqu’au sommet visé. Comme il est de tradition sur beaucoup de sommets alpins nous trouvons enfermé dans une boite un livre d’or que l’on signe pour marquer notre passage avant de faire la photo de famille.

MarmottaCasati015P1010453Domi, Véro, Karen, Jeff, Bernard et Henri (j’ai oublié de dire que cette année, je suis le doyen de l’équipe)

Redescente du sommet jusqu’au point où nous avons laissé une partie de nos affaires. « Repeautage » avant d’entamer la longue remontée vers le refuge Casati.

Un peu avant d’arriver au refuge sur un éperon rocheux surplombant la vallée qui était autrichienne avant la première guerre mondiale on découvrira 3 énormes canons qui défendaient la frontière. Folie des hommes qui ont placé ces bouches à feu à plus de 3000m d’altitude. Elles ont été montées sur ces positions par des prisonniers. L’éperon rocheux se nomme « Tre Canoni » sur les cartes. Après la guerre de 14-18 ces vallées qui aux cours des siècles passés ont connu un énorme brassage politico-étnique ont été annexées par l’Italie avec ses quelques 250 000 autochtones qui ont gardé fièrement leur langue, leur culture et leurs traditions. En fait après le démantèlement austro-hongrois décidé le lendemain de la première guerre mondiale, le Tyrol se trouve divisé entre l’Autriche (où il forme actuellement un des états de la République Fédérale) et l’Italie (dont cette vallée faisait partie).

Les hommes ont toujours été prétentieux!

DiSolda017DSCN3208Décompression en arrivant au refuge, on s »étale un peu! Énorme refuge de plus de 200 places restauré récemment, grand confort, douches chaudes, bières fraîches, bonne nourriture. Un peu austère quand même dû au fait que nous étions pratiquement les seuls randonneurs.

Samedi 28 avril: Refuge Casati – Mt Cevedale (3769m) – Mt Pasquale (3553m)- Voitures – Refuge auberge Forni (2156m).

Dernier jours du raid mais grosse journée, deux sommets au programme et retour dans la vallée.

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Grand beau temps, depuis la terrasse du refuge les deux sommets visés s’offrent à nous. Encore dans l’ombre, le Cevedale et à droite le Pasquale. Une pente douce est régulière monte jusqu’au sommet du Cevedale, ensuite il faudra descendre assez bas pour contourner une chute de sérac (dans l’ombre sur la photo) puis remonter jusqu’au col séparant les deux sommets et gagner le sommet du Mt Pasquale par une belle arête neigeuse. La deuxième partie de la course sera un peu plus difficile car nous évoluerons sur un glacier crevassé et le manque de neige de cette année demandera un peu plus d’attention.

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C’est parti, le sommet du Cevedale est barré par une rimaye qui ne pose aucun problème à passer car entièrement bouchée. Une dernière arête neigeuse et c’est le sommet où un petit vent froid nous surprend.

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Cevedale040P1010526Photo de famille non complète, c’est Bernard le photographe.
Henri, Domi, Jeff
Véro, Karen

Descente le long des séracs entre les deux sommets.

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A la base des séracs, on peut entamer la remonter vers le col entre les deux sommets et atteindre le Mont Pasquale. La file indienne s’est un peu étirée.

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Cevedale070P1010526La dernière photo de famille sur un sommet de l’Ortles.

??????????et l’au-revoir de Jeff à ces beaux sommets.

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Le réchauffement climatique est visible, diminution de l’épaisseur de glace et recul du glacier.

Le raid  est pratiquement terminé, je suis heureux de cette belle semaine, le temps a été parfait, la neige plus qu’acceptable même si on n’a pas eu de poudreuse et un faible manteau neigeux. On remet les skis sur le sac et on termine à pieds jusqu’au parking pour retrouver les voitures. Sitôt la neige fondue les petites fleurs sortent très vite et les marmottes aussi…

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Ce soir nous dormirons à l’auberge-refuge du Forni  située juste à coté du parking de départ. Nous rentrerons sur Grenoble le lendemain dimanche 29 avril sans oublier en chemin de s’offrir un repas sympa de fin de raid sur les bords du lac de Côme.

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